11 janv. 2019

Ce que mon fils n’est pas.


Après les deux articles qui ont servi d'introduction à ce blog, j'aimerais aborder un point qu'il me semble vital d'aborder : les idées reçues.

Il n'est pas incapable de regarder les gens dans les yeux.

C'est souvent un des signes que les gens attendent systématiquement. Pour la plupart des gens non avertis, ça sera même l'un des premiers arguments pour rejeter l'idée de l'autisme chez une personne et un autiste s'entendra presque systématiquement dire :"non, tu n'es pas autiste, puisque tu peux me regarder dans les yeux." Et pourtant !
Regarder l'autre dans les yeux lors d'une conversation est une chose toute naturelle. Ce contact visuel va permettre d'établir un lien mais également - et surtout - à lire les micro expressions du visage de notre interlocuteur afin de mieux comprendre son discours, et ce même si on en a pas conscience. Pour un autiste ayant une capacité diminuée pour lire et/ou interpréter / comprendre ces micro-expressions, le contact visuel sera considéré - plus ou moins consciemment - comme "non pertinent" et il ne sera donc pas forcément recherché. Ceci étant dit, l'autisme qui est, je le rappelle, un trouble neurologique lié à la communication ne se manifeste pas de la même manière chez tous les autistes et si certains vont être effectivement incapables de croiser le regard des autres, d'autres en seront tout à fait capables  - avec des différences plus ou moins notables de durée, d'intensité d'attention, ou de direction du regard (certains autistes vont poser leur regard sur la bouche de leurs interlocuteurs et non pas sur leurs yeux). A noter que certains en seront capables après avoir effectué un travail sur eux-même, grâce à un effort intellectuel, dans le but de se montrer respectueux ou de ne pas mettre leurs interlocuteurs trop mal à l'aise.

Il n’est ni un génie ni déficient mental.

Pendant longtemps, on a considéré que les autistes étaient soit des génies capables de jouer du piano à la perfection après avoir entendu un morceau de musique une seule et unique fois ou bien capable de compter des allumettes en un coup d’œil avant d’aller compter les cartes dans un casino pour gagner à tous les coups. Ou bien des êtres intellectuellement diminués incapables de comprendre ou d’apprendre. 
Or, il a été prouvé qu’en réalité la proportion de génies ou de déficients intellectuels dans le monde de l’autisme n’était pas différente que dans le reste de la population.
Non, en réalité, Salimar a une intelligence plutôt normale. Et, même si il semblerait que son esprit soit capable de gérer les problèmes liés au langage avec une certaine aisance et que les mathématiques soit une matière facile pour lui (il lui arrive de s’ennuyer en cours de math), ça ne fait pas de lui un génie. Il a cependant une particularité bien utile : il est doté d’une excellente mémoire. 

Il n’est pas agressif. 

Pas plus, en tout cas, que n'importe quel enfant lorsqu'il se retrouve en colère ou poussé dans ses retranchements. Ainsi, oui, comme tous les enfants, Il lui arrive de se montrer agressif. Mais son agressivité ne vient pas d’une prédisposition naturelle que son autisme lui aurait conféré. C’est toujours la conséquence d’un « trop plein », lorsque, à force de ne pas comprendre les autres, ou de ne pas se faire comprendre ou bien à force d’accumuler des informations qu’il ne parvient pas à traiter à temps et qui s’accumulent donc dans son esprit (informations liées à la communication et/ou aux émotions), il finit par craquer. Il devient alors une sorte de boule de nerf, une bombe à retardement. Et s’il n’a pas l’occasion de se calmer, il « explose » - selon sa propre expression. Incapable de se contrôler, il adopte alors un comportement agressif qui semble être une sorte de dernier recours et il fait et dit des choses qu’il ne manque jamais de regretter ultérieurement. En dehors de ces moments critiques, c’est un enfant adorable qui ne ferait pas de mal à une mouche. 

Il n’est pas capricieux.

Lorsqu’il refuse de goûter un plat, à table, qui lui est encore inconnu, ce n’est pas un caprice. C’est la manifestation d’un trouble alimentaire dont les causes peuvent être très variées et que j’étudie encore chez lui. Pourquoi refuse-t-il obstinément de manger du fromage ? Je l’ignore encore. Est-il perturbé par leurs odeurs parfois fortes ? Est-ce la texture qui est à remettre en cause ? Leur couleur ? Leur aspect ? Les pistes sont nombreuses. Pour le moment, lorsque je veux qu’il mange un peu de laitage, je luis fais manger une quiche avec plein de fromage râpé dedans. Il sait qu’il y a du fromage dedans, il m’a vu faire et il m’a même aidé, une paire de fois, à préparer la quiche qu’il devait manger. Mais allez savoir pourquoi, dans la quiche, le fromage ne lui pose pas de problème. Par contre, lorsqu’on mange une raclette, l’odeur l’indispose tant que nous l’installons sur la table basse où il mange sa charcuterie à l’envi tranquillement. J’ai essayé, il y a longtemps, de suivre les conseils qu’on me donnait très souvent : « il ne veut pas manger de légumes ? Fais une purée avec, il va s’habituer au goût doucement, ni vu, ni connu ! ». Sauf que, la purée, il n’a simplement et purement jamais pu l’avaler. ^^ 

Il lui arrive également, de refuser de faire certaines choses ou de se renfrogner lorsqu'on lui refuse quelque chose. C'est, d'abord, parce qu'il est comme tous les enfants. Il y a des choses qu'il aime faire et d'autres qu'il n'aime pas faire et, parfois, il le fait savoir. Et si, cela peut parfois prendre des proportions que d'aucuns pourraient prendre pour des simagrées et des caprices, c'est surtout parce qu'il a plus de mal que les autres enfants à gérer ses frustrations et qu'il a parfois tout simplement du mal à passer d'une activité à l'autre. Ainsi, je me souviens que, étant enfants, j'avais autant de mal à l'envoyer prendre son bain qu'à l'en sortir. 

Il n’est pas incapable de sentiments ou d’émotions. 

On imagine souvent les autistes comme des personnes froides, purement intellectuelles et donc, incapables de ressentir émotions et sentiments. Cette idée vient notamment du fait que les autistes utilisent peu - voire très peu - le langage corporel. L'éventail des mimiques faciales, notamment, est moins riche chez un autiste que chez les personnes dites "neurotypiques". Cela peut parfois donner l'impression que si aucune ou peu d'émotions transparaissent dans leur gestuelle, leurs langage corporel ou les traits de leurs visages, cela veut dire qu'ils ne ressentent rien ou presque rien. Or, il n’y a rien de plus faux, je peux vous l’assurer. Mon fils serait même du genre hyper sensible.Du genre à éprouver une peine presque inconsolable lorsque l’un de ses rares amis a dû quitter l’Autriche pour aller vivre dans le pays d’origine de sa mère, aux Etats Unis. Du genre, aussi, à souffrir régulièrement de l’éloignement à laquelle nous contraint notre expatriation avec les membres de notre famille ou certains de nos amis. Ses cousines lui manquent notamment terriblement et il souffre qu’elles ne semblent pas soucieuse de le contacter de temps à autre pour prendre de ses nouvelles. Et c’est toujours à la fois une joie intense, puis un déchirement, lorsque, à l’occasion de nos voyages, nous passons quelques jours en leur compagnie avant de repartir chez nous. 

Il y a une chose cependant qu'il est judicieux de savoir et de comprendre : c'est que l'autisme se traduit par un certain manque de "subtilité", de "nuances" dans les émotions et les sentiments. Ce qui donne un caractère parfois presque binaire à leurs émotions. Ainsi, lorsqu'une personne lambda se retrouve face à un individu qui l'énerve, cette personne va passer par tout un panel d'émotions : l'ennui, la contrariété, l'agacement, l’irritation, l'exaspération, la colère, la fureur... Et, à chaque étape, la personne disposera de moyen d'exprimer son état émotionnel : soupirs, mots, menaces, gestes d'agacements...
L'autiste disposera malheureusement d'un panel beaucoup moins riche, tant en terme de "paliers émotionnels" que de moyens d'expressions. La bascule entre le calme et la colère ne sera pas forcément plus rapide, mais elle sera souvent plus abrupte et donc, plus impressionnante.  D'autant plus que l'autiste n'aura pas forcément trouvé le moyen d'exprimer son changement d'humeur (si tant est qu'il ai été capable de sentir venir ce changement d'humeur !). C'est, heureusement, quelque chose qui se travaille. Le problème et d'abord et avant tout neurologique et un autiste restera toujours un peu "binaire" en terme d'émotions, mais il existe des moyens de les aider à mieux comprendre et cerner leurs propres émotions ainsi qu'à y faire face de façon plus efficace.


Il ne manque pas de logique ni d’humour

Je dirais même qu’il a un esprit très logique… à sa façon. Et si on parvient à comprendre cette logique, alors on peut se rendre compte qu’il est plutôt malin, comme petit garçon. De la même façon, son humour est parfois assez particulier, mais il sait très bien rire à nos blagues et il sait lui-même en faire de très drôle. Il suffit d’éviter les blagues basées sur le second degré qu’il a et aura toujours du mal à comprendre. A noter d’ailleurs que, par extension, je peux préciser qu’il n’est pas particulièrement susceptible non plus. Simplement, ne pratiquant qu’avec grandes difficultés le second degré, l’ironie reste également pour lui difficile d’accès. Un trait d’humour basé sur l’ironie pourra donc aisément le blesser. 

Il ne refuse pas de communiquer ni de se lier avec les autres

Je dirais même que nous sommes là au cœur de l’un des pires paradoxes de l’autisme. Caractérisé par des difficultés dans le domaine de la communication, l’autisme rend le contact avec les autres difficile. Mais un autiste peut nourrir l’envie de créer des liens, de discuter avec les autres, de se faire des amis. C’est le cas de mon fils et c’est parfois pour lui une véritable source de souffrance. Il souhaite aller en classe pour retrouver ses camarades de classe. Il souhaite ardemment jouer avec eux, s’intégrer dans leurs groupes. Mais voilà, ses capacités émotionnelles et relationnelles se retrouvent souvent vite – voire très vite – dépassées. Établir des relations sociales représente donc pour lui une sorte de défi, de challenge permanent. Génératrices tout à la fois de plaisir et de stress, les relations sociales sont nécessaire à son équilibre, mais il a tout autant besoin de se retrouver seul de temps à autre, libre de l’effort intellectuel intense qu’exige de lui la présence des autres et des contraintes liées à des règles sociales qu’il a souvent du mal à comprendre et à respecter. 

Il n’est ni mal élevé, ni irrespectueux

Les autistes ont ceci en commun qu’ils sont souvent directs et francs. Ils disent la vérité, sans détours. Si on demande à un autiste si le nouveau vêtement qu’on s’est acheté est joli et qu’il pense que ce n’est pas le cas, alors il va le dire, sans prendre de pincettes. Et il va avoir beaucoup de mal à comprendre qu’on puisse mal prendre sa réponse honnête. Un autiste pourra très bien apprendre que le bon fonctionnement d’une société a besoin d’un minimum de tact et de diplomatie. Mais son premier réflexe est et restera toujours la franchise et les notions de « tact » ou « diplomatie » sont et resteront toujours une zone floue trop proche du « mensonge » pour qu’il parvienne à être totalement à l’aise avec ces notions. 

Il n’est pas bizarre

Salimar n’a pas de stéréotypie très marquée comme cela peut être le cas de certains autistes.
Il ne secoue pas les mains compulsivement, ne se balance pas d’avant en arrière ou tout autre gestuelle que certains autistes développent parfois. Il lui arrive par contre de mettre l’oreille de sa peluche dans sa propre oreille. Ou bien il se met à sautiller lance des petits « pika pika » pour se défouler. Et le truc est bien là. Ce genre de comportement ne relève pas du « bizarre », il relève du sas de décompression. Il en a besoin pour se détendre et parfois, pour se concentrer. Il est à noter que mon Salimar a développé une sorte de stéréotypie assez discrète : il a toujours, auprès de lui une peluche que sa sœur lui a offert (un Creeper – les joueurs de Minecraft sauront de quoi je parle) et il se sert de la présence de cette peluche pour retrouver son calme et se ressourcer. 


Voilà, cet article prend fin. La liste n'est pas exhaustive et ne concerne que mon fils. J'espère néanmoins qu'il vous aura permis de mieux comprendre certaines choses.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire