Ce n’est pas
un mot que l’on aime prononcer car il est souvent chargé de connotations
péjoratives ou négatives. Souvent associé aux manifestations extrêmes de
certains caprices, le mot évoque presque immanquablement les éclats de colères
et d’emportement que l’on désigne, très souvent à tort, sous le terme de
« crise de nerf ».
Or, le fait
est que parfois, un autiste fait des « crises ».
Mon Salimar a
fait des crises. C’est d’ailleurs l’une des raisons principales qui nous ont
conduits à consulter. Parce que, à certains moments de la journée, confronté à
certaines difficultés, face à certaines situations, il perdait tout simplement
le contrôle. Ces crises se manifestaient de différentes manières et variaient
en intensité. Il lui arrivait de se montrer agressif avec ses camarades de
classe ou ses professeurs, de crier, de lancer des objets à travers les pièces.
Il lui arrivait de s’enfuir et de se cacher. Crises de colère ? Crises de
panique ? Crises d’angoisse ? Il était difficile de qualifier ces
moments où, tout d’un coup, le gentil petit garçon disparaissait pour la place
à un être incontrôlable. Une sorte de Dr. Jekyll et Mister Hyde.
Longtemps,
nous avons été totalement démunis face à ces crises. Nous n’y comprenions rien.
Nous ne savions pas de quoi il s’agissait ; nous n’en comprenions pas les
raisons ; nous n’en connaissions pas les déclencheurs ; nous ne savions
pas comment y faire face. Nous savions juste que notre Salimar, une fois calmé,
culpabilisait toujours énormément ; qu’il en souffrait et qu’il les
redoutait autant que nous, sinon plus.
Puis, j’ai
rencontré un psychiatre qui m’a dit qu’en fonction de ce qu’on lui avait dit et
des infos que lui avait transmis la psychologue scolaire, il y avait des
chances pour que notre fils soit concerné par l’autisme. Alors, avant même
d’obtenir un diagnostic, j’ai effectué des recherches. Et, au détour d’une conversation
sur un forum, j’ai lu les termes de Shutdown et de Meltdown.
Le premier
terme que l’on pourrait traduire par
« enfermement » désigne ces moments où la personne va se replier sur
elle-même dans une mise en retrait plus ou moins volontaire ; le regard
distant, la personne va parfois s’enfermer dans un mutisme plus ou moins intense
durant plusieurs minutes voire plusieurs heures. Un Shutdown pourra donc être vécu
de manière très intériorisée, et se faire parfois très discret. Ce qui n’est
pas le cas d’un Meltdown ou « effondrement émotionnel ». D’un autiste
à l’autre, le Meltdown pourra être vécu de différentes manière et donner lieu à
des réactions parfois très variées. Mais elles ont toute un point commun :
leur caractère explosif. De l’extérieur, ça va ressembler à un brusque éclat de
colère parfois agrémenté d’une certaine forme de violence – qu’elle soit
verbale, physique, tournée vers les objets, les personnes alentour ou l’autiste
lui-même.
C’était
exactement ce que vivait mon Salimar.
Les
déclencheurs, j’ai fini par le comprendre, sont multiples et varient d’un
autiste à l’autre, et d’un meltdown à l’autre. Mais un Meltdown - ou un
Shutdown - résulte toujours d’une surcharge issue d’un ou plusieurs facteurs. Les plus fréquents sont
les suivants :
- une surcharge sensorielle.
- un nombre trop important d’informations à traiter.
- une surcharge émotionnelle – souvent liées à des difficultés de
communications et/ou de gestion des émotions.
- un trop grand nombre de requête ou des requêtes trop complexes.
- trop d’imprévisibilité.
Le truc évidemment, c’est qu’il ne suffit pas de comprendre le
quoi et le pourquoi. Encore faut-il trouver la bonne approche pour y faire
face. Et, de fait, il n’y a pas de solution miracle, pas de méthode unique et
universelle. Le seul et unique conseil qui conviendra dans tous les cas est le
suivant : il faut garder son calme ! Et mettre de côté toutes les
méthodes que l’on pourrait appliquer dans le cas d’un caprice ou d’une crise
colérique (élever la voix pour poser son autorité, encourager la personne à se
calmer, menacer, promettre une récompense si la personne se calme, câliner, poser
des questions pour comprendre ce qui se passe, gronder, sermonner…) aucune de
ces solutions ne fonctionnera. Il faudra d’abord et avant tout laisser passer
l’orage et aider la personne à se calmer (même si cela impliquer de laisser la
personne seule !)
Avec Salimar, lorsqu’il faisait ses gros Meltdown, nous
commencions par fermer la porte d’entrée à clef pour qu’il ne s’enfuie pas
dehors. Ensuite, nous nous assurions qu’il trouvait un coin refuge (sa chambre,
un coin de la salle de bain, sous notre lit). Ensuite, tout en gardant nos
distances, nous l’assurions de notre présence à proximité pour l’aider s’il en
éprouvait le besoin (« Salimar, je m’assieds derrière la porte, viens vers
moi ou appelle-moi si tu veux un câlin). Et j’annonçais toujours les raisons de
mes initiatives (« je rentre dans la chambre pour poser une couverture sur
toi » ou, « si tu le permets, je vais tenir ta main pour
t’apporter un peu de réconfort » ou encore, « Si tu veux bien, je
vais te faire un massage des épaules pour essayer de te relaxer »). Et,
une fois, la crise passée, nous lui accordions du temps pour s’en remettre. Et,
chose qui me semble très importante, nous le félicitions toujours pour être
parvenu à retrouver son calme. Nous lui avons toujours accordé du temps pour
parler de ce qui s’était passé s’il en éprouvait le besoin et dans les cas où
le Meltdown avait découlé d’un mauvais comportement de sa part (refus de nous
obéïr, caprice ou autre) nous ne renoncions jamais à discuter du
problème : nous attendions juste le moment propice pour le faire.
Cette période chaotique ou notre Salimar faisait des crises
plusieurs fois par semaines est désormais derrière nous. Les Meltdown ne font
pas encore totalement parti du passé – et ils n’en feront sans doute jamais
partie. Mais ils sont devenus rares et moins intenses. En outre, parce que nous
avons trouvé des stratégies, Salimar se calme plus vite. Enfin, et je n’en suis
pas peu fière : parce que j’ai réussi à trouver quelques points de
repères, j’anticipe de mieux en mieux les situations critiques et les
combinaisons d’évènements susceptibles d’entrainer une surcharge et j’arrive donc de mieux en mieux à éviter
les Meltdowns.