13 mars 2019

Les crises.



Ce n’est pas un mot que l’on aime prononcer car il est souvent chargé de connotations péjoratives ou négatives. Souvent associé aux manifestations extrêmes de certains caprices, le mot évoque presque immanquablement les éclats de colères et d’emportement que l’on désigne, très souvent à tort, sous le terme de « crise de nerf ». 

Or, le fait est que parfois, un autiste fait des « crises ». 

Mon Salimar a fait des crises. C’est d’ailleurs l’une des raisons principales qui nous ont conduits à consulter. Parce que, à certains moments de la journée, confronté à certaines difficultés, face à certaines situations, il perdait tout simplement le contrôle. Ces crises se manifestaient de différentes manières et variaient en intensité. Il lui arrivait de se montrer agressif avec ses camarades de classe ou ses professeurs, de crier, de lancer des objets à travers les pièces. Il lui arrivait de s’enfuir et de se cacher. Crises de colère ? Crises de panique ? Crises d’angoisse ? Il était difficile de qualifier ces moments où, tout d’un coup, le gentil petit garçon disparaissait pour la place à un être incontrôlable. Une sorte de Dr. Jekyll et Mister Hyde. 

Longtemps, nous avons été totalement démunis face à ces crises. Nous n’y comprenions rien. Nous ne savions pas de quoi il s’agissait ; nous n’en comprenions pas les raisons ; nous n’en connaissions pas les déclencheurs ; nous ne savions pas comment y faire face. Nous savions juste que notre Salimar, une fois calmé, culpabilisait toujours énormément ; qu’il en souffrait et qu’il les redoutait autant que nous, sinon plus. 

Puis, j’ai rencontré un psychiatre qui m’a dit qu’en fonction de ce qu’on lui avait dit et des infos que lui avait transmis la psychologue scolaire, il y avait des chances pour que notre fils soit concerné par l’autisme. Alors, avant même d’obtenir un diagnostic, j’ai effectué des recherches. Et, au détour d’une conversation sur un forum, j’ai lu les termes de Shutdown et de Meltdown. 

Le premier terme que l’on pourrait  traduire par « enfermement » désigne ces moments où la personne va se replier sur elle-même dans une mise en retrait plus ou moins volontaire ; le regard distant, la personne va parfois s’enfermer dans un mutisme plus ou moins intense durant plusieurs minutes voire plusieurs heures. Un Shutdown pourra donc être vécu de manière très intériorisée, et se faire parfois très discret. Ce qui n’est pas le cas d’un Meltdown ou « effondrement émotionnel ». D’un autiste à l’autre, le Meltdown pourra être vécu de différentes manière et donner lieu à des réactions parfois très variées. Mais elles ont toute un point commun : leur caractère explosif. De l’extérieur, ça va ressembler à un brusque éclat de colère parfois agrémenté d’une certaine forme de violence – qu’elle soit verbale, physique, tournée vers les objets, les personnes alentour ou l’autiste lui-même.
C’était exactement ce que vivait mon Salimar.


Les déclencheurs, j’ai fini par le comprendre, sont multiples et varient d’un autiste à l’autre, et d’un meltdown à l’autre. Mais un Meltdown - ou un Shutdown - résulte toujours d’une surcharge issue d’un ou  plusieurs facteurs. Les plus fréquents sont les suivants :  
- une surcharge sensorielle.
- un nombre trop important d’informations à traiter.
- une surcharge émotionnelle – souvent liées à des difficultés de communications et/ou de gestion des émotions.
- un trop grand nombre de requête ou des requêtes trop complexes.
- trop d’imprévisibilité.

Le truc évidemment, c’est qu’il ne suffit pas de comprendre le quoi et le pourquoi. Encore faut-il trouver la bonne approche pour y faire face. Et, de fait, il n’y a pas de solution miracle, pas de méthode unique et universelle. Le seul et unique conseil qui conviendra dans tous les cas est le suivant : il faut garder son calme ! Et mettre de côté toutes les méthodes que l’on pourrait appliquer dans le cas d’un caprice ou d’une crise colérique (élever la voix pour poser son autorité, encourager la personne à se calmer, menacer, promettre une récompense si la personne se calme, câliner, poser des questions pour comprendre ce qui se passe, gronder, sermonner…) aucune de ces solutions ne fonctionnera. Il faudra d’abord et avant tout laisser passer l’orage et aider la personne à se calmer (même si cela impliquer de laisser la personne seule !)

Avec Salimar, lorsqu’il faisait ses gros Meltdown, nous commencions par fermer la porte d’entrée à clef pour qu’il ne s’enfuie pas dehors. Ensuite, nous nous assurions qu’il trouvait un coin refuge (sa chambre, un coin de la salle de bain, sous notre lit). Ensuite, tout en gardant nos distances, nous l’assurions de notre présence à proximité pour l’aider s’il en éprouvait le besoin (« Salimar, je m’assieds derrière la porte, viens vers moi ou appelle-moi si tu veux un câlin). Et j’annonçais toujours les raisons de mes initiatives (« je rentre dans la chambre pour poser une couverture sur toi » ou, « si tu le permets, je vais tenir ta main pour t’apporter un peu de réconfort » ou encore, « Si tu veux bien, je vais te faire un massage des épaules pour essayer de te relaxer »). Et, une fois, la crise passée, nous lui accordions du temps pour s’en remettre. Et, chose qui me semble très importante, nous le félicitions toujours pour être parvenu à retrouver son calme. Nous lui avons toujours accordé du temps pour parler de ce qui s’était passé s’il en éprouvait le besoin et dans les cas où le Meltdown avait découlé d’un mauvais comportement de sa part (refus de nous obéïr, caprice ou autre) nous ne renoncions jamais à discuter du problème : nous attendions juste le moment propice pour le faire.

Cette période chaotique ou notre Salimar faisait des crises plusieurs fois par semaines est désormais derrière nous. Les Meltdown ne font pas encore totalement parti du passé – et ils n’en feront sans doute jamais partie. Mais ils sont devenus rares et moins intenses. En outre, parce que nous avons trouvé des stratégies, Salimar se calme plus vite. Enfin, et je n’en suis pas peu fière : parce que j’ai réussi à trouver quelques points de repères, j’anticipe de mieux en mieux les situations critiques et les combinaisons d’évènements susceptibles d’entrainer une surcharge  et j’arrive donc de mieux en mieux à éviter les Meltdowns.  


4 commentaires:

  1. Félicitations, ce ne doit pas être simple à gérer au quotidien et surtout lourd à porter pour une maman. Merci de nous avoir éclairé sur le sujet. Bravo à la maman et bon courage à toi.

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  2. PAs simple à gérer mais en effet quand on a quelques "codes" ça permet de mieux gérer... Le plus difficile doit être de gérer une "crise" à l'extérieur non ?

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    1. En réalité, ce qui est difficile en extérieur, c'est de trouver un endroit calme. Ensuite, il faut réussir à ignorer le regard des gens et leurs jugements à l'emporte pièce et souvent durs.
      Heureusement, avec Salimar, nous commençons à savoir quels sont les stimuli qui peuvent poser problèmes : une foule trop importante, des lumières trop vives, une musique trop présente... Du coup, nous savons que lorsqu'il nous faut affronter une boutique ou un centre commercial, nous essayons de choisir soigneusement nos horaires et nous prévoyons de quoi le détendre. Comme il aime regarder des vidéos sur internet, du coup, nous emportons sa tablette et lorsqu'il a besoin de faire baisser son stress, on le laisse se connecter et visionner une ou deux petites vidéos. ça implique pas mal de regards désapprobateurs de la part des passants, mais je préfère ça à un Meltdown.

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  3. Je n'avais pas vu cet article... oui, il faut trouver dans nos ressources des "trucs" pour apaiser et c'est parfois difficile!
    Ta description ne me fait pas du tout penser à mon premier. Tout ça est très intériorisé depuis longtemps pour lui. Il s'isole de lui même, mais nous, on voit bien quand quelque chose le perturbe et notamment, l'approche d'examens en juin, une dent à enlever le mois dernier... il se renferme beaucoup sur lui même. Mais par contre, l'attitude de ton fils est tellement similaire à celle de mon second!!!! On attend un RDV au CHU qui n'aura sans doute pas lieu avant l'année prochaine (18 mois d'attente). Les enseignants me parlent de haut potentiel depuis longtemps, mais je me demande si il n'y a pas un truc en plus (hyper activité, TSA...).
    Merci en tout cas pour cet article. Et le regard des autres... On s'en fiche! ;-)

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