18 févr. 2019

Garde-robe.



« On ne change pas » chantait Celine Dion en 1998.

J’ai souvent écouté cette chanson. J’ai toujours trouvé qu’elle sonnait juste et qu’elle pointait du doigt une certaine vérité. Elle m’a toujours amené à penser que, du coup, il était souvent vain de vouloir changer pour plaire à quelqu’un ou satisfaire les attentes d’un autre. J’ai fini par réaliser, également, qu’il était tout aussi vain de chercher soi-même à s’imposer un masque qui ne saurait nous convenir.
On peut vouloir changer de costume afin d’avancer dans la vie et devenir «juste quelqu’un de bien» - comme le chantait Maurane. Mais il faut que le costume soit taillé sur mesure. Chercher à porter un costume trop petit, trop grand, trop lâche ou trop étroit et l’on se retrouve engoncé, gêné, maladroit, mal à l’aise, mal dans sa peau. 

Je ne le nierais pas, il m’est arrivé de tenter de porter des costumes que d’autres voulaient déposer ses mes épaules. Il m’est arrivé de croire qu’il le fallait. J’ai tenté de me cacher derrière des masques qui n’étaient pas fait pour moi. Oui, comme tout le monde – je pense – il m’est arrivé de me tromper. Et reconnaitre mes erreurs n’a pas toujours été chose aisée, d’autant moins que je n’ai pas toujours su quel costume mettre à la place de ceux qui ne me convenaient pas. 

Mais je crois être parvenue à trouver un petit lot de costume qui me convient assez bien. Oui, je suis assez à l’aise derrière les masques d’épouse et de mère aimante. Et, n’en déplaise à certains, je suis également assez satisfaite de mon costume de femme au foyer. 

Le seul bémol dans l’histoire c’est que j’ai toujours eu tendance à oublier un costume pourtant indispensable. 

J’ignore ce qu’il en est pour les autres. Je ne peux parler, évidemment que de mon expérience et de ce que j’ai pu observer. Néanmoins, il me semble que, quand on devient mère, nos priorités changent et que le costume de mère – avec sa célèbre ceinture multi-outils et son incalculable lot de casquettes multi-tâches – prend soudain la place d’honneur dans notre penderie. Le risque étant qu’il s’impose à nous trop souvent et ne vienne à prendre toute la place dans notre malle à costume. Souvent, on nous met en garde, on nous enjoint de ne surtout pas oublier de porter les autres costumes qui sont et doivent rester à notre disposition. Et parce qu’on a conscience que pour  notre bien-être et ceux de nos proches, apprendre jongler avec ces différents costumes est indispensable, on s’adapte et on apprend à jongler. Ou, tout au moins, on s’y efforce.

Je m’y efforçais. 

Ça n’avait pas été évident, je l’avoue. Notre statut d’expatriés ne facilitait pas les choses. Il nous était et nous est toujours impossible de confier nos enfants à nos parents le temps d’une après-midi ou d’un weekend, le temps d’un petit break en amoureux ou en solitaire. Pour moi, ça impliquait et implique toujours d’être mère 24/24h et 365 jours par an. Et j’avais eu du mal à comprendre que je pouvais et devais lâcher prise de temps à autres pour prendre soin de moi, tout simplement. Après cette prise de conscience, j’avais décidé de me mettre à la marche nordique. Je m’étais acheté mon équipement et j’avais trouvé quelques parcours sympathiques. J’ai pratiqué cette activité physique durant quelques mois et ça m’avait fait un bien fou. Tant physiquement et mentalement. Et puis, d’un coup, Salimar a eu besoin de moi. Intensément, fréquemment. Et son autisme a été diagnostiqué et mes certitudes se sont effondrées. De nouveau, j’ai relégué tout un tas de costume au fond de la malle. 

Durant des semaines, je l’avoue, je n’ai plus porté qu’une seule casquette : celle de la maman inquiète. Celle de la mère qui cherche à comprendre comment aider, guider, aimer mieux son enfant. La seule casquette qu’il m’arrivait de porter encore de temps en temps, c’était celle de l’épouse qui refuse absolument de laisser son couple partir à vau-l’eau. Mais celle de femme… soyons honnête, j’ai bien failli la perdre. Heureusement, j’ai quelques amies (je n’en ai pas beaucoup – je les comptes sur les doigts d’une main – et en plus, elles habitent toutes à des centaines de kilomètres de chez moi). Mais ces amies-là ont su m’aider à relativiser la situation, à prendre un peu de recul, à reprendre pied.

Oui, je suis la maman d’un petit garçon autiste. Oui, il nous a fallu du temps pour accepter puis digérer l’information. Oui, il a fallu du temps à mon Salimar pour reprendre confiance en lui et accepter sa différence. Oui, nous avons traversé une période difficile où il exigeait une grande disponibilité de ma part. Mais les choses vont mieux. Et il est temps pour moi de poser mon costume de mère plus souvent et de ressortir celui de femme. Il est temps que je prenne pleinement conscience que ce n’est pas parce que l’autisme s’est introduit dans nos vies que ma malle à costume doit changer.  Je suis et souhaite rester une maman, une épouse, une femme au foyer, une photographe amateure, une gameuse et… une femme. 



Reprendre la marche nordique sera une première étape, me financer une séance chez le coiffeur au moins une fois par an en sera sans doute une autre. Ensuite, j’avoue, j’adorerais trouver l’occasion de m’offrir une sortie restau avec mon homme ou une sortie de séance photo avec lui ou la visite d’un musée – ou que sais-je d’autre ? Juste lui et moi. Mais pour ça, il faudrait que j’accepte de confier mes enfants à d’autres personnes que moi-même (et je ne parle pas de l’école, évidemment). Et là, j’avoue, ça coince. Question de confiance ? Peut-être. Question d’habitude ? Sans doute. Car j’ai vraiment le sentiment qu’après avoir passé les 12 dernières années à veiller sur mes enfants 24/24 et 365j/an à l’exception de quelques très rares occasions, je me sens tout simplement incapable de m’éloigner d’eux sans que ça me coupe presque littéralement le souffle, sans que mon cœur se mette à battre la chamade, sans que mon esprit ne s’inquiète en permanence de ce qui pourrait se produire en mon absence, sans avoir le sentiment que, forcément, le téléphone va se mettre à sonner pour me dire qu’il y a un soucis et qu’il faut que je revienne vers mes enfants. Pour vous dire, même lorsque mes enfants sont à l’école, entourés, protégés, assistés, il m’arrive de m’inquiéter. 

D’ailleurs, lorsque je disais en début de paragraphe que j’avais l’intention de reprendre la marche nordique, il ne faut surtout pas croire que c’est une chose aisée pour moi. J’ai fait deux séances déjà et à chaque fois, il m’a fallu faire un effort conscient pour me convaincre que tout se passerait bien ; que ces quelques minutes de marche nordique étaient à moi, et que rien ni personne ne viendrait les interrompre. Et à chaque fois, à la fin, je me suis dit : « tu vois, ça s’est bien passé »… 

Bref, qu’il soit nécessaire de m’accorder du temps pour moi est une évidence. Réussir à me libérer l’esprit dans ce laps de temps, n’en est pas une. Mais j’imagine qu’il faut simplement du temps. Que l’apaisement, la tranquillité de l’esprit finira par me venir, à force de pratique. N’est-ce pas ? 

3 commentaires:

  1. Comme je te comprends!
    Nous avons recommencé à sortir en couple alors que notre aîné avait 18 mois... un resto à 20 minutes de chez mes parents... impossible pour moi de le confier à qui que ce soit le soir! Il était chez l'assistante maternelle 50 heures par semaine et je n'arrivais pas à envisager de le laisser davantage à qui que ce soit!
    De quoi avons nous parlé? De notre fils, resté deux heures chez ses grands parents... qu'avons nous fait à maintes reprises durant le repas? Nous avons vérifié qu'aucun message n'attendait d'être lu sur notre téléphone.
    A l'arrivée du second, rebelotte...
    Et pour le troisième, ce fut pire puisqu'il ne dormait pas, et ce jusqu'à ses 31 mois.
    Il m'a fallut attendre qu'ils soient bien plus grand pour enfin profiter de ces rares sorties à deux. Cela fait seulement deux ou trois ans que nous sortons et parvenons à en profiter vraiment, sans trop de scrupules.
    Je pense qu'il faut être patients et ne pas s'en vouloir d'avoir eu des difficultés à les laisser, de ne pas trouver de sujet de discussion autre que les enfants, de penser à eux, mille fois dans la soirée... D'autant plus que, comme moi, ça fait des années que tu es avec eux tout le temps!
    Moi, je trouve que c'est bien d'être "maman poule" et tant pis pour ceux et celles qui ne comprennent pas! C'est qu'ils n'ont pas eu la chance de créer des liens forts avec leurs enfants! Il faut que tu fasses à ton rythme et que ces nouvelles occupations (marche ou autre!) te conviennent à toi. Si tu es bien dans tes baskets, tes enfants seront bien aussi! Si tu prends du temps pour toi parce que d'autres t'ont dit que c'était nécessaire, ça va te peser et tes enfants le sentiront. Ca n'a aucun intérêt.
    Alors oui, je pense qu'il faut t'accorder du temps, être patiente. Et ne pas tenir compte de ceux qui te jugent. Toi seule sent si tes enfants en encore besoin de ta présence ou pas, dans quelle mesure ils prennent de l'autonomie.
    Quand à l'inquiétude que tu ressens, même quand tes enfants sont à l'école, et comme tu dis, entourés, protégés... j'ai envie de dire que c'est normal et que même lorsqu'ils seront plus grands, tu continueras à t'inquiéter! Quand on devient maman, je crois que c'est un sentiment qui ne nous quitte plus jamais :-)

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    1. Je te rassures, la démarche vient de moi.
      Parce que justement, je ressentais un déséquilibre et que j'avais envie de trouver un moyen de décompresser et de me changer les idées. Hors, si je déteste courir, j'ai toujours aimé marcher. Alors, je m'y remets pour moi, pour mon corps, mon esprit, pour me dépenser physiquement et décompresser mentalement.

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  2. Quel beau regard sur toi. Je ne peux que te féliciter. Maman poule, c'est un beau costume qu'il faut savoir ôter de temps en temps car tu l'as à vie dans ta penderie, j'en sais quelque chose.
    Je salue ton courage et ton abnégation. Bravo Sev.

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