« On ne
change pas » chantait Celine Dion en 1998.
J’ai souvent
écouté cette chanson. J’ai toujours trouvé qu’elle sonnait juste et qu’elle
pointait du doigt une certaine vérité. Elle m’a toujours amené à penser que, du
coup, il était souvent vain de vouloir changer pour plaire à quelqu’un ou
satisfaire les attentes d’un autre. J’ai fini par réaliser, également, qu’il
était tout aussi vain de chercher soi-même à s’imposer un masque qui ne saurait
nous convenir.
On peut
vouloir changer de costume afin d’avancer dans la vie et devenir «juste quelqu’un
de bien» - comme le chantait Maurane. Mais il faut que le costume soit taillé
sur mesure. Chercher à porter un costume trop petit, trop grand, trop lâche ou
trop étroit et l’on se retrouve engoncé, gêné, maladroit, mal à l’aise, mal
dans sa peau.
Je ne le
nierais pas, il m’est arrivé de tenter de porter des costumes que d’autres
voulaient déposer ses mes épaules. Il m’est arrivé de croire qu’il le fallait.
J’ai tenté de me cacher derrière des masques qui n’étaient pas fait pour moi.
Oui, comme tout le monde – je pense – il m’est arrivé de me tromper. Et
reconnaitre mes erreurs n’a pas toujours été chose aisée, d’autant moins que je
n’ai pas toujours su quel costume mettre à la place de ceux qui ne me convenaient
pas.
Mais je crois
être parvenue à trouver un petit lot de costume qui me convient assez bien.
Oui, je suis assez à l’aise derrière les masques d’épouse et de mère aimante.
Et, n’en déplaise à certains, je suis également assez satisfaite de mon costume
de femme au foyer.
Le seul bémol
dans l’histoire c’est que j’ai toujours eu tendance à oublier un costume
pourtant indispensable.
J’ignore ce
qu’il en est pour les autres. Je ne peux parler, évidemment que de mon
expérience et de ce que j’ai pu observer. Néanmoins, il me semble que, quand on
devient mère, nos priorités changent et que le costume de mère – avec sa
célèbre ceinture multi-outils et son incalculable lot de casquettes
multi-tâches – prend soudain la place d’honneur dans notre penderie. Le risque étant
qu’il s’impose à nous trop souvent et ne vienne à prendre toute la place dans
notre malle à costume. Souvent, on nous met en garde, on nous enjoint de ne
surtout pas oublier de porter les autres costumes qui sont et doivent rester à
notre disposition. Et parce qu’on a conscience que pour notre bien-être et ceux de nos proches,
apprendre jongler avec ces différents costumes est indispensable, on s’adapte
et on apprend à jongler. Ou, tout au moins, on s’y efforce.
Je m’y
efforçais.
Ça n’avait
pas été évident, je l’avoue. Notre statut d’expatriés ne facilitait pas les
choses. Il nous était et nous est toujours impossible de confier nos enfants à
nos parents le temps d’une après-midi ou d’un weekend, le temps d’un petit
break en amoureux ou en solitaire. Pour moi, ça impliquait et implique toujours
d’être mère 24/24h et 365 jours par an. Et j’avais eu du mal à comprendre que
je pouvais et devais lâcher prise de temps à autres pour prendre soin de moi,
tout simplement. Après cette prise de conscience, j’avais décidé de me mettre à
la marche nordique. Je m’étais acheté mon équipement et j’avais trouvé quelques
parcours sympathiques. J’ai pratiqué cette activité physique durant quelques
mois et ça m’avait fait un bien fou. Tant physiquement et mentalement. Et puis,
d’un coup, Salimar a eu besoin de moi. Intensément, fréquemment. Et son autisme
a été diagnostiqué et mes certitudes se sont effondrées. De nouveau, j’ai
relégué tout un tas de costume au fond de la malle.
Durant des
semaines, je l’avoue, je n’ai plus porté qu’une seule casquette : celle de
la maman inquiète. Celle de la mère qui cherche à comprendre comment aider,
guider, aimer mieux son enfant. La seule casquette qu’il m’arrivait de porter
encore de temps en temps, c’était celle de l’épouse qui refuse absolument de
laisser son couple partir à vau-l’eau. Mais celle de femme… soyons honnête, j’ai
bien failli la perdre. Heureusement, j’ai quelques amies (je n’en ai pas
beaucoup – je les comptes sur les doigts d’une main – et en plus, elles
habitent toutes à des centaines de kilomètres de chez moi). Mais ces amies-là
ont su m’aider à relativiser la situation, à prendre un peu de recul, à
reprendre pied.
Oui, je suis
la maman d’un petit garçon autiste. Oui, il nous a fallu du temps pour accepter
puis digérer l’information. Oui, il a fallu du temps à mon Salimar pour reprendre
confiance en lui et accepter sa différence. Oui, nous avons traversé une
période difficile où il exigeait une grande disponibilité de ma part. Mais les
choses vont mieux. Et il est temps pour moi de poser mon costume de mère plus
souvent et de ressortir celui de femme. Il est temps que je prenne pleinement
conscience que ce n’est pas parce que l’autisme s’est introduit dans nos vies
que ma malle à costume doit changer. Je
suis et souhaite rester une maman, une épouse, une femme au foyer, une photographe
amateure, une gameuse et… une femme.
Reprendre la
marche nordique sera une première étape, me financer une séance chez le
coiffeur au moins une fois par an en sera sans doute une autre. Ensuite, j’avoue,
j’adorerais trouver l’occasion de m’offrir une sortie restau avec mon homme ou
une sortie de séance photo avec lui ou la visite d’un musée – ou que sais-je d’autre ?
Juste lui et moi. Mais pour ça, il faudrait que j’accepte de confier mes
enfants à d’autres personnes que moi-même (et je ne parle pas de l’école,
évidemment). Et là, j’avoue, ça coince. Question de confiance ? Peut-être.
Question d’habitude ? Sans doute. Car j’ai vraiment le sentiment qu’après
avoir passé les 12 dernières années à veiller sur mes enfants 24/24 et 365j/an à
l’exception de quelques très rares occasions, je me sens tout simplement
incapable de m’éloigner d’eux sans que ça me coupe presque littéralement le
souffle, sans que mon cœur se mette à battre la chamade, sans que mon esprit ne
s’inquiète en permanence de ce qui pourrait se produire en mon absence, sans
avoir le sentiment que, forcément, le téléphone va se mettre à sonner pour me
dire qu’il y a un soucis et qu’il faut que je revienne vers mes enfants. Pour
vous dire, même lorsque mes enfants sont à l’école, entourés, protégés,
assistés, il m’arrive de m’inquiéter.
D’ailleurs, lorsque
je disais en début de paragraphe que j’avais l’intention de reprendre la marche
nordique, il ne faut surtout pas croire que c’est une chose aisée pour moi. J’ai
fait deux séances déjà et à chaque fois, il m’a fallu faire un effort conscient
pour me convaincre que tout se passerait bien ; que ces quelques minutes
de marche nordique étaient à moi, et que rien ni personne ne viendrait les
interrompre. Et à chaque fois, à la fin, je me suis dit : « tu
vois, ça s’est bien passé »…
Bref, qu’il
soit nécessaire de m’accorder du temps pour moi est une évidence. Réussir à me
libérer l’esprit dans ce laps de temps, n’en est pas une. Mais j’imagine qu’il
faut simplement du temps. Que l’apaisement, la tranquillité de l’esprit finira
par me venir, à force de pratique. N’est-ce pas ?